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28 mars 2020

Raphaël Enthoven et le hamster





Le philosophe Raphaël Enthoven. J. SAGET/AFP

La nuit, mon cerveau se raconte des histoires en m’en laissant quelques brides à mon réveil ; c’est ainsi qu’il m’a laissé à réfléchir une fois de plus au paradoxe de la grand-mère paternel de mes petits-enfants que je découvrirais ultérieurement car pour l’heure, il m’a aussi laissé à réfléchir sur un article paru dans l’Express en ligne du lundi 23 mars dans lequel il est rapporté une interview avec Raphael Enthoven qui anime une célèbre émission de philosophie les samedis à 23h15.

L'Express : Faut-il aborder le confinement comme une expérience philosophique ?  
Raphaël Enthoven : Imaginez un hamster dont la roue est cassée. Qui n'a plus les moyens de courir pour se donner le sentiment d'aller quelque part. Nous en sommes là. Comme le hamster, nous faisons du surplace, nous accélérons indéfiniment, et nous n'allons nulle part. C'est ainsi qu'on survit, en temps normal. Et on ne peut survivre ainsi que parce qu'on veut l'ignorer. L'être humain n'accepte sa misère que s'il parvient à interposer le maximum d'esquives entre lui-même et la conscience de sa misère. »

L’exemple du hamster a attiré l’attention de mes neurones endormis surtout lorsqu’on lui prête le sentiment d’aller quelque part. Je ne dénie pas au hamster d’avoir des sentiments et ceci d’autant que je pense que les animaux n’en sont pas dénués, pas plus que les humains, mais je me demande si vraiment se faisant, il obéit à une intention que pousserait le sentiment de devoir aller quelque part. Est-ce qu’un enfant qui fait du manège dans la cour de récréation à la volonté d’aller quelque part ou bien ne fait-il que répondre à des besoins de dépenses physiques productrices de sensations ?

Autant dans l’enfant que le hamster, j’ai tendance à penser que la réponse est dans le besoin physique de notre corps de se dégourdir plutôt dans celui de notre cerveau d’en rechercher une réponse philosophique !
Mais alors, quelle serait le rapport entre le confinement des êtres humains et le hamster ?
La réponse vient dès lors que l’on se pose la question de savoir s’il existe beaucoup de roues, et de manèges naturels dans la nature pour donner le sentiment à l’un et à l’autre d’aller quelque part ?

Même si la Terre tourne autour de son axe, la roue reste principalement une création de l’homme ce qui implique que le hamster ne peut avoir pour ambition de devenir tourneur de roue. En réalité, dès lors qu’il met ses pattes dans une de ces roues inventées par l’homme, la probabilité que le mouvement des membres du corps produisent un déséquilibre gravitationnel faisant tourner la roue est grande alors que par réflexe, il essaiera de se raccrocher au barreau venu à la hauteur de vue en quittant celui qui lui a échappé. Ainsi entraîne-t-il et entretient-il le mouvement de rotation de la roue.

S’il prend le plaisir à y revenir, ce n’est pas pour aller quelque part, mais bien pour se dépenser et peut-être, pour ne point souffrir d’anthropomorphisme, de ressentir le sentiment d’un bien être corporel et par voie de conséquence, mental.
Le hamster ne cherche pas à aller quelque part car en fait aller quelque part, c’est aller ailleurs que là où l’on est. S’il voulait aller ailleurs, il regarderait en dehors de sa cage en recherchant la vision de son ailleurs à défait d’avoir un imaginaire pour ce faire, mais qui sait ?

La conscience de la misère est une notion différentielle en relation avec différentes époques de notre mémoire. Nous sommes conscients de notre misère que dès lors que nous pouvons aller ailleurs, dans notre mémoire pour comparer différends lieux temporels. L’homme ne crée pas d’esquives pour  les placer entre lui-même et sa conscience, il ne fait qu’oublier la conscience qu’il a de ses perceptions et ceci d’autant mieux que la conscience qu’il a de ses états d’âme n’est pas sous le contrôle de sa volonté mais seulement sous celles résultant des mécanismes de son inconscient.

L’homme ne peut oublier par volonté car dès lors qu’il le veut, il lui revient en mémoire consciente l’objet même de sa volonté de sorte qu’il ne peut rien introduire entre sa conscience et son inconscient. La volonté consciente entraîne une dépense d’énergie, une fatigue de sorte que l’inconscient finit par la déconnectée pour s’orienter vers d’autres objets de pensée.

Jean Pierre Bouvier le 28/03/2020

(1)    L’Express Raphaël Enthoven : Comme le hamster, nous faisons du surplace.

Commentaire de mon philosophe préféré en devenir:

Oui c'est vrai que c'est vrai. Enthoven s'inspire de Pascal mais celui-ci ne dit pas que le divertissement est l'envie d'aller voir ailleurs si j'y suis, seulement l'évitement inévitable de la question de l'Ailleurs (un ailleurs qui ne prendrait des souvenirs de nos voyages que le fait que nous n'y sommes plus 😭). Mais cette question du voyage absolu qui s'oppose à son évitement n'est elle pas une (tentative de) trahison de la raison envers sa mère sensation ? S'imaginer une grâce extérieure qui viendrait la combler, elle...(mais une raison comblée n'est plus que son produit). Et si l'évitement est inévitable l'inévitement aussi, sinon comment se fait-il que la question obsède tant les philosophes et les curés ? Mais à moins d'être un moine on ne peut pas tout le temps penser comme un curé...