Le philosophe Raphaël
Enthoven. J. SAGET/AFP
La nuit, mon cerveau
se raconte des histoires en m’en laissant quelques brides à mon réveil ;
c’est ainsi qu’il m’a laissé à réfléchir une fois de plus au paradoxe de la
grand-mère paternel de mes petits-enfants que je découvrirais ultérieurement
car pour l’heure, il m’a aussi laissé à réfléchir sur un article paru dans
l’Express en ligne du lundi 23 mars dans lequel il est rapporté une interview avec Raphael Enthoven qui anime une
célèbre émission de philosophie les samedis à 23h15.
L'Express :
Faut-il aborder le confinement comme une expérience philosophique ?
Raphaël
Enthoven : Imaginez un hamster dont la roue est cassée. Qui n'a plus les moyens
de courir pour se donner le sentiment d'aller quelque part. Nous en sommes là.
Comme le hamster, nous faisons du surplace, nous accélérons indéfiniment, et
nous n'allons nulle part. C'est ainsi qu'on survit, en temps normal. Et on ne
peut survivre ainsi que parce qu'on veut l'ignorer. L'être humain n'accepte sa
misère que s'il parvient à interposer le maximum d'esquives entre lui-même et
la conscience de sa misère. »
L’exemple du hamster a
attiré l’attention de mes neurones endormis surtout lorsqu’on lui prête le
sentiment d’aller quelque part. Je ne dénie pas au hamster d’avoir des
sentiments et ceci d’autant que je pense que les animaux n’en sont pas dénués,
pas plus que les humains, mais je me demande si vraiment se faisant, il obéit à
une intention que pousserait le sentiment de devoir aller quelque part. Est-ce
qu’un enfant qui fait du manège dans la cour de récréation à la volonté d’aller
quelque part ou bien ne fait-il que répondre à des besoins de dépenses
physiques productrices de sensations ?
Autant dans l’enfant que le
hamster, j’ai tendance à penser que la réponse est dans le besoin physique de
notre corps de se dégourdir plutôt dans celui de notre cerveau d’en rechercher
une réponse philosophique !
Mais alors, quelle serait le
rapport entre le confinement des êtres humains et le hamster ?
La réponse vient dès lors
que l’on se pose la question de savoir s’il existe beaucoup de roues, et de
manèges naturels dans la nature pour donner le sentiment à l’un et à l’autre
d’aller quelque part ?
Même si la Terre tourne
autour de son axe, la roue reste principalement une création de l’homme ce qui
implique que le hamster ne peut avoir pour ambition de devenir tourneur de
roue. En réalité, dès lors qu’il met ses pattes dans une de ces roues inventées
par l’homme, la probabilité que le mouvement des membres du corps produisent un
déséquilibre gravitationnel faisant tourner la roue est grande alors que par
réflexe, il essaiera de se raccrocher au barreau venu à la hauteur de vue en
quittant celui qui lui a échappé. Ainsi entraîne-t-il et entretient-il le
mouvement de rotation de la roue.
S’il prend le plaisir à y
revenir, ce n’est pas pour aller quelque part, mais bien pour se dépenser et
peut-être, pour ne point souffrir d’anthropomorphisme, de ressentir le
sentiment d’un bien être corporel et par voie de conséquence, mental.
Le hamster ne cherche pas à
aller quelque part car en fait aller quelque part, c’est aller ailleurs que là
où l’on est. S’il voulait aller ailleurs, il regarderait en dehors de sa cage
en recherchant la vision de son ailleurs à défait d’avoir un imaginaire pour ce
faire, mais qui sait ?
La conscience de la misère
est une notion différentielle en relation avec différentes époques de notre
mémoire. Nous sommes conscients de notre misère que dès lors que nous pouvons
aller ailleurs, dans notre mémoire pour comparer différends lieux temporels.
L’homme ne crée pas d’esquives pour les placer entre lui-même et sa
conscience, il ne fait qu’oublier la conscience qu’il a de ses perceptions et
ceci d’autant mieux que la conscience qu’il a de ses états d’âme n’est pas sous
le contrôle de sa volonté mais seulement sous celles résultant des mécanismes
de son inconscient.
L’homme ne peut oublier par
volonté car dès lors qu’il le veut, il lui revient en mémoire consciente
l’objet même de sa volonté de sorte qu’il ne peut rien introduire entre sa conscience
et son inconscient. La volonté consciente entraîne une dépense d’énergie, une
fatigue de sorte que l’inconscient finit par la déconnectée pour s’orienter
vers d’autres objets de pensée.
Jean Pierre Bouvier le 28/03/2020
Commentaire de mon
philosophe préféré en devenir:
Oui c'est vrai que c'est vrai. Enthoven
s'inspire de Pascal mais celui-ci ne dit pas que le divertissement est l'envie
d'aller voir ailleurs si j'y suis, seulement l'évitement inévitable de la
question de l'Ailleurs (un ailleurs qui ne prendrait des souvenirs de nos
voyages que le fait que nous n'y sommes plus 😭). Mais cette question
du voyage absolu qui s'oppose à son évitement n'est elle pas une (tentative de)
trahison de la raison envers sa mère sensation ? S'imaginer une grâce
extérieure qui viendrait la combler, elle...(mais une raison comblée n'est plus
que son produit). Et si l'évitement est inévitable l'inévitement aussi, sinon
comment se fait-il que la question obsède tant les philosophes et les curés ?
Mais à moins d'être un moine on ne peut pas tout le temps penser comme un
curé...