Je suis bien d’accord pour que vous preniez soin de moi,
m’emmeniez au pré dès le printemps levé pour paître jusqu’à l’automne et me
mettre au chaud l’hiver venu comme dit le poète, pour que vous preniez bien garde
à ne pas me séparer trop vite de mes petits et que vous me considériez comme un
être sensible en prenant garde à ne point induire par votre comportement de la
souffrance gratuite dont les hommes sont parfois capables de nous prodiguer, à
nous et à eux-mêmes.
La mort est une question, oui, certainement et c’est triste
la mort, mais comme nous ne l’appréhendons pas comme vous, il suffirait que
vous nous accordiez un peu de votre humanité à l’instant de nous la donner pour
que nous en ayons jamais réellement conscience. Si nous devinons notre fin
tragique c’est surtout par la survenue brutale des maltraitances des derniers
instants de notre vie que vous nous infligez dès lors que vous nous avez
désigné, nous considérant avant l’heure fatale comme viande à manipuler plutôt
que vie à respecter. Dans nos derniers instants sur cette terre que vous nous
vouliez bienveillante, soyez patient, laissez-nous vivre nos dernières
illusions avant que nous perdions conscience du destin funeste qui est notre
lot commun, à nous tous tout comme à vous. Ne soyez pas jaloux de nous, vous
qui devrez vivre les affres de la vieillesse en étant bien trop conscient de
votre fin prochaine ou imminente, coincés sur un brancard dans un couloir d’hôpital
entouré des chants funèbres de ceux dont les plaintes ne sont plus écoutées par
personne.
Imaginez que nous ayons à vivre comme vous alors même que
nous ne pourrions par nous-mêmes guérir de nos maladies, pour ne point avoir à
en souffrir, nous serions amené à vous faire les yeux tristes afin de vous
amener à nous euthanasier comme vous le faites pour vos cinquante millions
d’amis lorsque rien ne peut leur faire espérer autre chose que leur fin.
Alors donc, pour faire face à votre état de carnivore qui
vous a rendu naturellement si intelligent, en attendant de vous voir créé une
autre entité vous surpassant qui n’absorbera que de l’énergie à l’état pur en
sonnant le début de votre déclin, de notre disparition aussi puisque ne pouvant
plus bénéficier alors de votre bienveillante protection contre des prédateurs
qui jusqu’alors ne nous goûtait pas, accordez-nous quelques instants
d'attention pour satisfaire à notre désir de vous être utiles longtemps encore.
Ainsi donc, ce sera définitivement finit pour nous et notre
descendance et j’avoue préférer mille fois me voir mourir humainement de vos
mains que de concevoir devoir disparaître à tout jamais en abandonnant nos près
et nos étables à je ne sais quelques tractopelles qui aura la charge de réduire
en poussière les vestiges qui nous ont vu vivre en laissant là notre utilité
disparue.
Aimez-nous de notre vivant, aimez nous faire ignorer notre
fin, aimez satisfaire la faim que vous avez de nous et qui garantit la survie
de notre espèce tout autant certainement que de la vôtre, et si vous considérez
que nous prenons trop de place, demandez-vous si ce n’est pas parce que vous
êtes devenu trop nombreux en ce monde pour simplement vivre toutes les
dimensions que la vie est en capacité de vous offrir ?
Un dernier mot : Ne vous laisser pas berner par ces
idiots qui veulent vous imposer les tics de leur vision autoritaire de l’art
culinaire au seul prétexte qu’ils sont incapables d’imaginer pouvoir résoudre
le problème de la conscience que nous aurions de notre mort alors qu’il suffirait
que vous nous la donniez avec amour après nous avoir dorloté toute notre vie
durant, toujours trop courte, cela va de soi.
De ne plus vouloir nous goûter finirait par nous rendre
inutile et de fil en aiguille, de finir par vous faire considérer tous les
animaux de la terre comme n’étant plus utile et ceci jusqu’aux derniers :
vous-mêmes.
Et si vous pensez que l’homme ne peut nous garantir son
humanité, alors ne nous faites pas croire que c’est au nom de celle-ci que vous
cherchez à nous protégez puisque ainsi, vous ne feriez que nous faire
disparaître par inutilité à vous servir.
Meuuuuuh ! Le comité de la communauté des vaches à lait et
à viande de montagne, le 23 juin 2019.